Limites de la croissance : cette fois, le loup est làLa production du pétrole de schiste chute, celle du gaz de schiste pourrait très bientôt en faire autant. Il n’y a pas que le pétrole : les prix de toutes les principales matières premières se sont effondrés. Et de très sérieux doutes pèsent sur l'économie de la Chine...
Le voile tendu lors de la crise de 2008 par des politiques monétaires fabuleusement accommodantes est-il en train de se déchirer ?
Les "limites de la croissance" pourraient apparaître par une spirale déflationniste : par une évolution des revenus incapable de faire face à l’inflation des coûts d'extraction des matières premières. Danger.
Peut-être que tous les économistes sont victimes d’illusions optiques : non seulement les médecins de Molière qui professent l’approche standard, anthropocentriste, de l’économie, et se perdent dans une forêt de diagnostics sur les causes de la « stagnation séculaire » (phénomène prétendument énigmatique qui, depuis le premier choc pétrolier en 1973, fait s’étioler la croissance économique comme un oued à la saison sèche).
Mais une autre illusion d’optique pourrait avoir trompé les tenants de la balbutiante approche "biophysique" de l’économie, que je défends sur ce blog : celle qui considère l’économie avant tout comme un phénomène tributaire des ressources matérielles et des lois sans transigeance de la physique. Pour les pionniers de ce nouveau paradigme possible, la proximité des limites physiques à la croissance était le plus souvent censée devoir se manifester par une envolée sans fin des prix des matières premières en général, et du pétrole en premier lieu. Cette envolée, qui s'est produite au cours des années 2000 et jusqu’à l’été 2014, exprimerait les difficultés naturelles inexorablement croissantes auxquelles l'industrie se trouve confrontée pour extraire les facteurs matériels que requiert la croissance économique.
C’est aujourd'hui le contraire qui se passe.
L’effondrement des prix du baril à partir de l’été 2014, succédant à quatre années de cours record, pose problème à toutes les écoles économiques : comment interpréter l’extrême volatilité qui a vu la plus indispensable des matières premières perdre la moitié de sa valeur en quelques mois, sans préavis ? Le phénomène a dans un premier temps été expliqué principalement comme une question d’offre : la conséquence du spectaculaire boom du pétrole "de schiste"* aux Etats-Unis, renforcée par une bataille pour les parts de marché menée par l’Arabie Saoudite.
Le ralentissement de la croissance chinoise, lequel se révèle être beaucoup plus prononcé que prévu, conduit à reconsidérer ce qui pourrait être en train de se jouer dans l’économie mondiale.
L’effondrement des cours mondiaux des grandes matières premières industrielles n’a rien d’étonnant, si la croissance de la Chine (premier attracteur d’investissements et premier exportateur de la planète) a été largement exagérée. Devenue l’atelier du monde, l’économie chinoise absorbe des proportions ahurissantes des productions mondiales de matières premières : 54 % de l’aluminium, 50 % du nickel, 48 % du cuivre, 45 % de l’acier, 50 % du charbon, 12 % du pétrole.
La croissance mondiale n’a jamais retrouvé le rythme d'avant la crise. De plus, cette croissance a été en bonne part achetée à crédit : l’endettement global est passé de 180 % du PIB mondial en 2008 à 210 % l’an dernier, pendant qu’en Chine le poids de la dette a bondi de 160 % du PIB à 230 %, souligne Jean-Marc Vittori dans Les Echos !
Remplir la baignoire de la dette pour mieux la vider pouvait sembler, aux yeux de certains, avoir du sens : un point de dette supplémentaire par rapport au PIB se traduit par 0,1 point de croissance du PIB, indiquent par exemple plusieurs études d’Exane BNP Paribas.
Mais si l’on cherche dans un autre sens, se fiant à l’hypothèse selon laquelle l’économie obéit en premier et dernier ressort aux lois de la physique, il faut tenter de comprendre ce qu’il s’est passé dans l'économie dite "réelle", par-delà les artifices monétaires sans précédents utilisés depuis 2008 pour faire levier sur la croissance et empêcher l’effondrement systémique de la finance.
Au lieu de se traduire par des prix toujours plus élevés des matières premières, les limites de la croissance pourraient au contraire se manifester par des prix des matières trop bas : par une demande trop peu solvable pour permettre de financer l’extraction des ressources matérielles supplémentaires nécessaires à l’entretien des feux de la croissance.
Grave implication de cette hypothèse : une spirale déflationniste pourrait s’amorcer, capable de précipiter bien plus vite que prévu le déclin de la production mondiale de pétrole et d’énergie en général, un déclin qui entraînerait l’effondrement de l’économie de croissance.
http://petrole.blog.lemonde.fr/2015/09/ ... up-est-la/Quel sera le lapin que va nous sortir la clique oligarchique de son chapeau pour sortir de cette spirale déflationniste?
C'est la question...