Gaël Giraud, directeur de recherche au CNRS.
Il est diplômé de l'Ecole normale supérieure d'Ulm et de l'Ensae.
Il est aussi docteur en mathématiques appliquées de l'Ecole polytechnique.
En 2009, il est sélectionné pour le Prix du meilleur jeune économiste, remis par le Monde et le Cercle des économistes.
Il est auteur du livre l'illusion financière...
Depuis 2010, la crise financière des crédits subprime s'est transformée en une crise des dettes publiques, et tout semble indiquer que le pire est encore devant nous. L'impasse dans laquelle les marchés financiers enferment l'économie européenne va jusqu'à remettre en cause les institutions mêmes du vivre-ensemble européen... Y a-t-il d'autres issues que la généralisation des plans d'austérité budgétaire, le paiement des dettes bancaires par les contribuables et la déflation ?
L'ouvrage de Gaël Giraud met en lumière les illusions qui brouillent le débat public actuel. Il montre en particulier que la contrainte énergétique et climatique est l'élément déterminant qui conditionne toute prospérité durable en Europe, et souligne l'exigence de la placer au coeur d'un nouveau projet qui échappe à l'addiction mortifère de notre économie à l'égard d'une finance dérégulée.
« Le vrai rôle de l’énergie va obliger les économistes à changer de dogme »
Contrairement à ce qui est écrit dans tous les manuels d'économie, l'énergie (et non le capital, sans elle inerte) se révèle être LE facteur essentiel de la croissance, selon Gaël Giraud, 44 ans, directeur de recherche au CNRS.
De 1945 à 1975, les “trente glorieuses” ont été une période de croissance accélérée et aussi de consommation inédite d'hydrocarbures. Depuis lors, la planète n'a jamais retrouvé la vitesse de consommation d'énergies fossiles qui fut la sienne après guerre. C'est une bonne nouvelle pour le climat. Mais cela n'est pas étranger non plus au fait que nous n'avons jamais retrouvé non plus les taux de croissance du PIB des trente glorieuses.
Reste que sur le long terme, une relation extrêmement stable existe entre la consommation d'énergie et la croissance du PIB. On retrouve la même très grande stabilité lorsque l'on élargit la perspective non plus dans le temps, mais dans l'espace. Pour des pays importateurs comme la France, l'externalisation de la consommation d'énergie par le biais des importations conduit à sous-estimer l'influence de l'énergie dans l'évolution de la croissance économique. L'estimation de la relation entre énergie et croissance est beaucoup plus fiable à l'échelle mondiale qu'à l'échelle nationale.
Si malgré les remarques liminaires que je viens de faire, vous croyez, comme la plupart des économistes universitaires, que le prix de l'énergie reflète fidèlement l'offre et la demande réelles, et si en plus et surtout, vous postulez que l'industrie des hydrocarbures n'est soumise à aucune contrainte du côté de l'extraction, alors vous concluez tranquillement que l'élasticité du PIB par rapport à l'énergie est proche de la part du coût de l'énergie dans le PIB, ce que l'on appelle son “cost share” en anglais. Soit moins de 10%, en effet. C'est ce raisonnement qui permet à certains de mes collègues économistes, à tort je pense, de prétendre que l'énergie est un sujet marginal et, pour tout dire, un non-sujet.
Mes propres travaux empiriques, menés sur près d'une cinquantaine de pays, et sur plus de quarante ans, montrent qu'en réalité l'élasticité du PIB par rapport à l'énergie primaire est comprise entre 40 %, pour les zones les moins dépendantes du pétrole, comme la France, et 70 % pour les Etats-Unis, avec une moyenne mondiale tournant autour de 60 %.
Si l'on suit Tainter, nous serions condamnés, dans la mesure où notre société aurait atteint son “pic de complexité”, au-delà duquel les gains de productivité de la complexité deviendraient négligeables ? Je peux me tromper, mais je suis convaincu, pour ma part, que seules deux régions au monde peuvent lancer la transition énergétique en tant que vaste projet économique et politique : l'Europe et le Japon. En effet, il faut, pour cela, d'excellents ingénieurs et une population à la fois riche et très éduquée. Si l'Europe devient leader dans la transition énergétique et, plus globalement, écologique, alors elle pourra, avec son propre retour d'expérience, exporter auprès du reste du monde son savoir-faire. Sinon, elle sera condamnée à devoir faire la guerre, comme l'empire romain, pour capter l'énergie des autres, ce qu'elle n'a plus guère les moyens de faire.
http://petrole.blog.lemonde.fr/2014/04/ ... -de-dogme/Gaël Giraud est un des seuls économistes (voire le seul
) qui a une double formation: scientifique et économique.... ce qui lui permet d'avoir un pied dans l’économie qui constitue la richesse réelle, et l'autre dans l’économie virtuelle financiarisée, et donc d'avoir une vision globale de la situation, et des perspectives futures.
En revanche, si la seule réponse au cataclysme a venir est de faire isoler les bâtiments, je pense qu'il n'a pas compris tous les enjeux que cela impliquait au niveau social et démocratique...