Je ne suis pas d'accord avec ce qui semble être l'affirmation du caractère quasi-absolu de la subjectivité dans la définition de la droite et la gauche.
Pour comprendre un mot, j'aime souvent réfléchir à son étymologie, qui permet de dégager en quelque sorte le tronc duquel le cas échéant sont parties les évolutions sémantiques. En politique, remonter aux sources permet de fixer des points de repère, les points fixes qui rendent possible de définir ce qui est autour.
Les termes politiques « droite » et « gauche » en France sont apparus pour désigner les députés selon leur localisation dans l'hémicycle révolutionnaire, ceux-ci s'étant groupés physiquement par affinités idéologiques. Dès 1789, lors des débats sur le maintien de la possibilité juridique d'un veto royal sur les décisions de l'exécutif, puis plus tard par exemple lors du vote sur le sort de Louis XVI, les députés assis du côté droit de l'hémicycle ont voté pour le maintien du droit de veto et ceux de gauche pour sa disparition, donc la privation d'un important (surtout symboliquement) pouvoir du roi ; puis en 92-93 pour pas de sang, pour le sang remis à plus tard, ou pour le sang immédiat.
Pour moi, être de droite c'est donc ne pas considérer la république comme une évidence. Ca ne recouvre pas nécessairement totalement la distinction républicain/royaliste : je pense qu'on peut être de droite et républicain si ce républicanisme relève d'une réelle analyse des régimes possibles, et non d'une simple inertie (« c'est déjà comme ça », ou « Papa l'était avant moi », ou (je n'ai jamais lu un livre mais je sais que) « les rois c'est des tyrans ») voire de la trouille de se démarquer du lot. Je reconnais ne pas connaître personnellement de républicain qui ait pensé avec culture son amour de la république.
Au contraire, être de gauche c'est être républicain par automatisme inné, par incapacité à concevoir autre chose d'une façon fouillée.
Cette méthode de réflexion permet d'échapper à ce que remarque Gridizbak et qui perturbe beaucoup des cultivés : la facilité à sortir des citations de dieux de gauche (ou des éléments de leur biographie, de Voltaire investissant dans l'esclavage à « la gauche mère de la collaboration » en 39-45, la gauche vendue à l'argent depuis longtemps jusqu'à demain en passant par aujourd'hui) qui semblent être une caricature de ce qu'on considère aujourd'hui comme la droite ou l'extrême-droite. Jules Ferry avec son devoir de la race blanche de civiliser les races inférieures, le pouët-pouët cocardier (mais toujours républicain, cf. le critère que je propose) le plus ridicule de quasiment tous les héros de gauche, les déclarations de Georges Marchais sur la saturation vis-à-vis de l'immigration, d'une façon générale des « trucs qui sonnent mal » sur tous les tabous actuels ; et même récemment, comme : « l'homosexualité est une perversion bourgeoise qu'il convient de ne pas encourager » (préambule du manuel destiné aux militants de Lutte ouvrière. J'aime bien parce que le grand-père d'un proche a consacré sa vie à Lutte ouvrière et son petit-fils le vénérant est aujourd'hui en son nom dans tous les combats pour les homosexuels et les n'importe quoi sexuels. Quand on est de droite et petit-fils d'un mec de droite, on peut lire les œuvres de jeunesse de son grand-père puis le regarder les yeux dans les yeux. Quand on est de gauche avec un grand-père de gauche, cela peut être moins évident, il y a des sujets à éviter).
Cela permet d'éviter les clichés qui, entre autres, ont le gros défaut d'être souvent fabriqués par la gauche : « droite = racisme », « droite = homophobie », « droite = colonialisme »... Non non, on peut sans problème être raciste et de gauche, homophobe et de gauche, colonialiste (surtout) et de gauche, bourreau de masse et de gauche...
Jean Madiran a publié un petit livre intitulé « La droite et la gauche » mais je ne l'ai pas lu.
Pour moi, être de droite c'est mettre ou avoir déjà mis en débat en soi-même la république.
Fred92 a écrit:
C'est marrant de voir comme chacun a son curseur "droite/gauche".
Pour moi, le Figaro et le Monde sont des journaux de droite du fait de leur soumission intellectuelle au capitalisme néo-libéral mondialisé.
Fred92
Il existe une droite libérale et une droite étatique, comme il existe une gauche libérale et une gauche étatique.