J'ai eu l'occasion de discuter récemment avec un expert forestier. Sachant que nous étions en off, il ne cherchait pas à me vendre quoi que ce soit. Nous n'avons pas discuté de rentabilité directe, mais plutôt d'à-côtés. Voici quelques éléments que j'ai retenus :
- parmi les éléments qui peuvent faire qu'une parcelle boisée est "bon marché" à l'achat, attention à la qualité de la station (fertilité du sol, exposition et climat) : ça ne se corrige pas (en tout cas, pas à échelle de temps humaine). Ainsi, un sol peu profond, peu fertile ou exposé aux sécheresses fera que les arbres pousseront très lentement, avec un accroissement qui peut être inférieur à 1 m3/ha et par an dans certains cas, malgré tout vos bons soins. Les risques de dépérissement sont aussi plus élevés. Pour les parcelles en pente : non seulement ça pose des problèmes d'accès et de débardage, mais souvent ce sont des sols moins fertiles (sol relativement peu profonds et lessivage des éléments nutritifs par l'eau). Alors qu'une forêt qui est médiocre par manque d'entretien peut s'améliorer, elle.
- une parcelle proche de chez soi est un avantage à bien des points de vue : pouvoir y faire des travaux soi-même, s'y rendre pour la promenade, le loisir, les champignons... Il faut prendre en compte que si la parcelle est éloignée, on en profitera moins, les déplacements coûteront cher, et elle sera aussi moins bien entretenue et menée, car vous la connaîtrez moins bien et que vous serez moins présent pour faire les opérations au bon moment.
- ne pas négliger l'aspect loisir et famille qui contribue grandement au contentement qu'on tire d'une forêt. A vous de rendre cela attractif pour les enfants, petits enfants, neveux, etc. Cabanes, cache cache, pique-nique, prélèvement d'un arbre de noël... Et de plus, on peut aussi inculquer à ses enfants et petits enfants quelques connaissances concernant la nature et la biologie et leur donner une enfance un peu plus "verte" que leurs congénères.
- pour la rentabilité de la forêt, ne pas oublier qu'entre le bois de feu (ou d'industrie) et les meilleures valorisations (ébénisterie, tranchage...), il peut y avoir un facteur 1 à 100 sur le prix de vente du bois sur pied, voire plus. L'intérêt évident du propriétaire forestier est donc d'aller vers la meilleure qualité et de ne surtout pas se contenter de sortir du bois de feu (cas pourtant fréquent dans les taillis). Il faut aussi être un propriétaire "dynamique" (qui se forme, qui fait des travaux...). La forêt privée est malade de très nombreux petits propriétaires qui ne font rien dans leurs forêts, et parfois, ne savent même pas où elles sont (ce n'est pas exagéré ; d'une, les héritages font qu'on hérite parfois d'un bout de forêt qu'on a jamais vu ou alors seulement 50 ans plus tôt et qui est situé à l'autre bout du pays ; de deux, connaître les limites exactes d'une parcelle est loin d'être évident, même pour un propriétaire attentif).
- pour ce qui est d'améliorer une forêt en y implantant des feuillus semi-précieux : ça peut paraître une bonne idée mais c'est délicat à réussir. Il faut que la station soit bien adaptée à l'essence envisagée. Il faut une quantité d'arbres suffisante, de même âge et même essence, pour déclencher l'achat et l'exploitation (l'acheteur pouvant venir de loin pour certaines essences, mais à la condition que la quantité soit suffisante). De plus, certains arbres semi-précieux peuvent s'avérer de culture délicate : sensibilité à la sécheresse, à la maladie... Enfin, il y a malheureusement des modes dans le goût du marché pour telle ou telle essence semi-précieuse, donc on peut se retrouver à devoir choisir de vendre 2 fois moins cher que quelques années avant, ou bien attendre 10 ou 20 ans que ça revienne à la mode.
- Autre option pour améliorer une forêt : mener des arbres, non semi-précieux, à la qualité la plus haute. La bille de pied vendue pour tranchage pour valoir très cher. L'avantage, par rapport aux semi-precieux, c'est que certains de ces feuillus "courants" (tels que le chêne) sont relativement "tolérants" des événements météo, maladies etc.
Dans tous les cas, pour les feuillus (semi-précieux ou non), avant d'arriver à de très beaux arbres, ce sont des opérations de très longue haleine : 100 ans, 150 ans. On travaille pour les générations suivantes. Mais on sort quand même du bois d'ici là, lors des éclaircies. Toutefois, c'est clair que ce sont les résineux qui poussent le plus vite et rapportent des revenus "relativement" rapidement : 20, 30, 40 ans...
Je suis en train de me faire doucement une petite culture sur le sujet (je lis un ou deux bouquins, je discute avec des gens)... pour peut-être franchir le pas d'ici quelques années, selon mes ressources et les occasions qui se présenteraient !
_________________ Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras
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