A Londres, le marché de l’or attise les convoitisesL'AgefiCiter:
Prévu pour le 5 juin, le lancement de la plate-forme de trading LMEprecious est très attendu
Après un déclin de trois ans, l’or est revenu en grâce sur les marchés l’an dernier. Mais à Londres, les initiatives n’ont pas attendu la remontée des cours pour se bousculer : « Le marché de l’or de gré à gré à Londres pèse 5.000 milliards de dollars par an et de tels montants ainsi que les commissions associées ne peuvent qu’attiser les convoitises », explique Benjamin Louvet, gérant matières premières au sein d’OFI Asset Management. La London Bullion Market Association (LBMA), soutenue notamment par les bullion banks HSBC et JPMorgan, a ainsi multiplié depuis deux ans les annonces pour se moderniser et améliorer sa transparence et sa sécurité. Après avoir mis en place en mars 2015 un système d’enchères électroniques à la place du rituel téléphonique centenaire, l’association a également travaillé avec l’aide des fintech Boat Services et Autilla sur une base de données électroniques où les transactions seront comptabilisées à partir de ce trimestre. « Le principe de la fixation des prix de référence, notamment dans le cadre du Libor, avait provoqué quelques émois sur la pertinence d’une méthodologie opaque, qui, dans le pire des cas, a pu aboutir à des manipulations de marché avérées. Une réflexion, qui s’est étendue au marché de l’or, a dès lors démarré », rappelle Benjamin Louvet. De nouveaux contrats ont également fait leur apparition : Intercontinental Exchange (ICE) dont la filiale ICE Benchmark Administration a été choisie en 2015 pour gérer et introduire les enchères électroniques (LMBA Gold Price), a lancé depuis le 30 janvier de nouveaux contrats à terme sur l’or, échangeables sur le marché à terme d’ICE à New York pour de l’or stocké et livrable à Londres. Presque au même moment, le CME Group lançait son offre spot spreads sur les métaux précieux (littéralement : écart de prix comptant Londres - Comex). « Nous pensons que ce produit dispose du potentiel pour créer un lien encore plus fort entre les deux plus gros centres en matière de liquidité pour les métaux précieux, autrement dit les contrats à terme sur l’or et l’argent sur le Comex à New York et le marché de gré à gré à Londres, souligne Youngjin Chang, responsable global des métaux au sein de CME Group. Ces ‘spot spreads’ permettent aux utilisateurs de transférer le risque entre le Comex à New York et Londres en une simple transaction exécutée de façon électronique sur le CME Globex et automatiquement alimentée dans le système de compensation du CME. »
Expectative
Selon Benjamin Louvet, le produit lancé par ICE aurait cependant l’avantage de présenter une structure mieux adaptée aux problématiques juridiques et politiques actuelles : « En décidant d’autoriser les règlements physiques à Londres mais de traiter les contrats à terme à New York, ICE échappe à la réglementation MIF 2 tout en assurant un environnement politique relativement plus stable, sans le casse-tête du Brexit », indique le gérant. Pour l’instant, les contrats du CME Group et d’ICE n’ont cependant enregistré presqu’aucune transaction : « On aurait pu penser que les plates-formes se seraient assurées d’une certaine profondeur du carnet d’ordres mais cela ne semble pas avoir été le cas, observe Franck Languillat, gérant du fonds investi en or physique au sein de Financière de la Cité. Le lancement de nouveaux produits nécessite du temps mais il y a fort à parier que les fonds alternatifs, en priorité, y trouveront un intérêt à moyen terme. »
Dans l’attente du décollage de ces contrats, les yeux sont rivés sur le lancement, dès le 5 juin prochain, du LMEprecious, la plate-forme de la Bourse des métaux destinée à offrir des contrats à terme sur les métaux précieux à Londres, d’abord sur l’or et l’argent, puis dans un deuxième temps, sur le platine et le palladium. Les établissements fondateurs apporteront de la liquidité : « Il y a un an et demi, un groupe d’individus associé au Conseil mondial de l’or a décidé de constituer un petit groupe de travail désireux de jeter les bases d’une nouvelle solution, rappelle une source proche du LMEprecious. Nous avons ensuite cherché un partenaire crédible et motivé : nous ne voulions pas d’une duplication du marché OTC (de gré à gré) existant à Londres, pas plus que d’un marché listé de plus comme il en existe déjà à New York. » Le LME n’en est pas à sa première tentative d’un marché coté sur l’or à Londres : le London Gold Futures Market avait dû fermer ses portes après trois ans en 1985, faute d’intérêt des investisseurs et des spéculateurs. « La situation est totalement différente aujourd’hui, assure cette même source. Il y a trente ans, l’essentiel du marché était en OTC et fonctionnait de façon opaque. Surtout, la mécanique de la solution dessinée par le LME et la nature des participants, dont la taille et la diversité représentent tout le marché, offrent une garantie supplémentaire. » A l’heure actuelle, la plate-forme aurait déjà suscité l’intérêt de banques tierces : « Les investisseurs viendront ensuite, estime la source. Les fonds alternatifs ne vont pas s’en approcher tant qu’il n’y aura pas un certain volume et de la liquidité. Il faut donc s’attendre à une phase de décollage pendant laquelle les contrats seront en attente. » Réponse, sans doute, dans la seconde partie de l’année.