Un petit podcast intéressant :
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Les "Chicago Boys", le "saccage" du Chili par un petit groupe d'économistes
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La dictature de Pinochet au Chili s'est accompagnée d'une expérimentation économique avec des mesures ultralibérales et des privatisations massives. Les économistes à l'origine de ces mesures ont tous été formés à l'École de Chicago.
Privatisations massives, dérégulation de l’économie, démantèlement du service public... Voici le programme choc expérimenté au Chili par les “Chicago Boys” dans les années 1970. Ces économistes, formés aux Etats-Unis, ont façonné la politique du dictateur Augusto Pinochet et ont fait de leur pays le laboratoire mondial du néolibéralisme, bien avant les années Thatcher et Reagan.
Stéphane Boisard, maître de conférences en civilisation latino-américaine, raconte qu'une très grande journaliste chilienne, Maria Olivia Mönckeberg, parle même "d’un saccage, d’un pillage de l’économie chilienne par ces Chicago Boys, qui se sont redistribué le gâteau."
Nous sommes en 1955, en pleine Guerre froide et la progression des idées marxistes en Amérique du Sud inquiète les Etats-Unis. Pour contrer cette influence, l’administration américaine entame un programme d’échanges universitaires, notamment entre le Chili et l'École de Chicago, une université sous l’influence d’un économiste libéral, Milton Friedman.
Friedman contre Keynes
Friedman est farouchement opposé à l’intervention de l’Etat dans l’économie, contrairement au consensus interventionniste de l’époque, incarné par John Maynard Keynes.
"Friedman a fait sa fameuse thèse sur la crise de 1929, explique Stéphane Boisard. Il dit que le keynésianisme est une erreur parce que créer de la monnaie artificiellement va engendrer de l’inflation. Et l’inflation, plus tard, ce sont des impôts, ça entraîne une augmentation des prix, et ce sont des impôts que vont payer les agents économiques."
Après leur passage à Chicago, ces quelques dizaines d’étudiants reviennent au Chili. Ils critiquent dans les colonnes de journaux conservateurs la politique du président socialiste, Salvador Allende, élu en 1970. Mais ils ont encore peu d’influence… jusqu’à ce que des officiers de la marine s’intéressent à eux. Une partie de l’armée envisage déjà en secret de renverser Allende et demande aux Chicago Boys de rédiger un programme économique alternatif, “El Ladrillo”.
Stéphane Boisard résume ainsi le contenu de ce "pavé" : “On essaye de penser à cette société libérale parfaite où le marché va tout régler. Il suffit de tout privatiser et pour la monnaie, il s’agit juste de rendre la banque centrale indépendante. C’est vraiment quelque chose qui paraît même complètement déconnecté de la réalité. Il y a très peu de chiffres sur l’industrie concrète chilienne… Les Chicago Boys disent qu’ils ne savent pas à quoi va servir ce programme économique. En réalité, ce sont les militaires qui demandent ce programme économique, donc ils pourraient en avoir une petite idée.”
Le volet économique du putsch
Le coup d’Etat arrive en 1973, la junte se met en place, et l’amiral Merino, commandant en chef de l’influente marine, se retrouve en charge de l’économie du pays. Mais le choc pétrolier, la même année, fragilise le nouveau régime et fait resurgir le spectre d’une inflation hors de contrôle. Les généraux au pouvoir demandent de l’aide aux Chicago Boys qui vont tester leur recette magique : "une énorme récession, on coupe drastiquement dans le budget de l’Etat, on remonte les taux d’intérêt, toute une série de mécanismes".
Les Chicago Boys gagnent en influence, plusieurs de ces économistes prennent la tête de ministères. À partir de 1977, ils privatisent 400 entreprises publiques et licencient une grande partie des fonctionnaires, les secteurs publics de la santé et de l’éducation sont démantelés.
Avec ces mesures drastiques et l’afflux de capitaux étrangers, l’économie chilienne connaît une embellie au tournant des années 1980. Milton Friedman évoque même un “miracle chilien”.
Mais si la croissance atteint 8 %, le taux de chômage augmente, passant de 4,8 % en 1973 à 31 % en 1983. Les salaires baissent nettement et la dette explose. Derrière la vitrine économique, la société chilienne est atomisée.
Stéphane Boisard analyse ainsi les conséquences de cette politique économique : "pour les populations les plus fragiles, les plus précaires qui pouvaient avoir accès à une santé d’Etat, à une éducation d’Etat, ces services publics vont être complètement laminés. Cela entraîne un accroissement des inégalités sociales. Tout cela s’accompagne d’une grande réforme, l’une des sept réformes, des sept modernisations, ça va être la loi travail et la réforme des retraites. Pour toutes ces populations, baisse des allocations chômage, plus de retraites et on bascule sur un système de capitalisation privé. C’est un effondrement d’une toute petite classe moyenne et une paupérisation d’une grande partie de la population."
Derrière la vitrine de la croissance, une société atomisée
Cette transformation économique brutale est facilitée par l’interdiction des syndicats, la suppression des libertés publiques et le musellement de la presse. Les années Pinochet, c’est aussi un coût humain terrible : des milliers de morts entre 1973 et 1990 et des dizaines de milliers de cas de torture.
Le “miracle économique” annoncé tourne court. En 1981, une crise de la dette au Mexique contamine toute l’Amérique latine et met fin au rêve ultralibéral des Chicago Boys.
Après la fin de la dictature en 1990, un certain nombre de ces économistes se retrouvent à la tête des entreprises chiliennes qu’ils ont eux-mêmes privatisées. D’autres apportent leur expertise en Europe de l’Est, après la fin du communisme.
Stephane Boisard rappelle que l'écrivain péruvien naturalisé espagnol et membre de l'Académie française, Mario Vargas Llosa, s'est présenté à la présidentielle au Pérou en 1990. Il se rêve alors un peu comme "la nouvelle Margaret Thatcher des Andes" et se fait même "coacher par ces Chicago Boys chiliens sur son programme à partir de 1986, 1987."
L’influence des Chicago Boys reste grande sur le continent sud-américain. L’un d’entre eux, Paulo Guedes a été ministre de l'Économie de Jair Bolsonaro au Brésil. En Argentine, le candidat libertarien à la présidentielle de 2023, Javier Milei continue à défendre leurs thèses.
Il y a encore des admirateurs transis de Milton Friedman.
C'était un anticommuniste viscéral.
Mais quand on compare les effets de ses idées au stalinisme, on arrive au même résultat:
- appauvrissement de la population
- destruction des services publics
- liquidation des classes moyennes
- disparition des libertés individuelles
- dictature sanglante
- fin de la liberté d'expression
- concentration de la richesse dans les mains de quelques oligarques.
Fred92