Ludo33 a écrit:
Je ne sais pas ce que prévoit le CP chinois, mais j'ai bien l'impression qu'il est nettement moins cool que le CP français...
Il n'y a aucun rapport en Chine entre ce que prévoit un texte et ce qui est fait, mais c'est un autre sujet.
Pour les juristes, signalons qu'une des caractéristiques des normes (au sens juridique, "kelsenien" pour ainsi dire) chinoises est que les listes n'y sont jamais ou presque jamais limitatives : les textes prévoient une tartine de critères précis, comme en Occident, mais le propre de la Chine est que la liste se termine toujours par un truc qui veut dire "etc.". Ce "etc." (qui, soit dit au passage, rend inutile toute la liste au-dessus) est la marge qui permet aux juges de faire en fonction des pots de vin ou du réseau (le "guanxi") des justiciables sans sortir du droit.
J'ai publié il y a longtemps un article à ce sujet dans le bulletin d'un organisme international, mais Dieu sait dans quel ordi je l'ai mis.
Il faut y ajouter l'empilement des normes, car la Chine est en réalité extrêmement proche d'un Etat fédéral et beaucoup de ce qui figure dans les textes nationaux peut être profondément remanié, et même totalement contredit, au niveau de la province puis encore aux niveaux inférieurs.
Cela a des origines historiques très claires (la volonté impériale de désengorger les tribunaux en rendant la justice imprévisible et dangereuse pour tous, victimes incluses) et des conséquences très vastes encore aujourd'hui et pour longtemps (la préférence pour le réglement privé, donc la négociation et, au plan juridictionnel, l'arbitrage), mais je ne vais pas développer le sujet ici.
Le code pénal chinois est l'instrument de la sanction, mais l'instrument n'est utilisé qu'au cas où le sujet de droit, même coupable jusqu'aux oreilles, ou même innocent, a froissé le Parti. Ce n'est pas le code pénal qui fait peur, ce sont les relations dégradées avec le Parti. Le marché chinois est submergé de contrefaçons en tous domaines, elles se vendent au grand jour, dans les magasins, sur internet, sur les trottoirs, et personne n'en est inquiété, quoi qu'en disent les codes.
Comme l'écrit André Chieng, un Occidental évalue sa situation actuelle A, vise une situation B bien définie, met en oeuvre un enchaînement d'actes logiques pour y arriver, et est satisfait quand la situation B est atteinte, si elle l'est : pour lui, le sujet est clos (le contrat a été conclu, ou le coupable a été sanctionné, ou telle pratique a disparu de la société). Pour les Chinois, la vision des choses, venue principalement du taoïsme dans ce cas, est différente : tout est processus, et non but. Tout se renégocie perpétuellement sans objectif a priori. Le taoïsme est la doctrine du "tao", qui signifie "la voie" : le chemin est plus important que son terme. Pour le sujet du présent fil, cela donne : qu'importent les faux slabs et les fausses monnaies si globalement chacun, et les Chinois en premier, y trouve son compte; et tout l'avenir est à nous pour nous en occuper plus tard, si, plus tard, il y a vraiment lieu de s'en occuper. Et ce qui pourra faire qu'il y a lieu de s'en occuper, c'est que chacun n'y trouvera plus son compte, et les Chinois en premier.
Comme chacun sait, la meilleure façon en Chine de voir passer le cadavre de son ennemi, c'est de s'asseoir au bord de la rivière et attendre.
Pardon pour ces digressions.