Volkswagen veut nous saigner à blanc28-10-2024 - Patrick Dath-Delcambe, JournalisteLe constructeur veut fermer trois usines en Allemagne et diminuer les salaires. Pourquoi ce fleuron de l'économie allemande en est-il arrivé à cette extrémité ?
L'annonce, durant l'été, de l'arrêt de toute production chez Audi-Brussels à partir de 2025 était un premier coup de semonce au sein du groupe VW (Volkswagen, Audi, Porsche, Skoda, Cupra,..). Une restructuration était d'ailleurs dans l'air depuis que le patron de VW, Oliver Blum, avait évoqué début septembre la possibilité de fermer des usines en Allemagne même, ce qui n'était jamais arrivé au cours des 87 années d'existence de la marque Volkswagen. Ce n'était sans doute qu'une demi-surprise tant sa structure de coûts et la concurrence des nouveaux acteurs chinois pesaient sur ses résultats.
« La logique de redimensionnement de la marque VW n'est pas nouvelle, mais le sens de l'urgence et la détermination de la direction à s'attaquer aux capacités excédentaires et aux modèles de dépenses le sont », avaient ensuite souligné mi-septembre les analystes de Jefferies, qui avaient côtoyé la direction du groupe pendant trois jours. Ces entretiens
« nous ont donné la conviction qu'il n'y a pas de plan B qui exclurait une réduction des capacités, évoquant des provisions de trois à quatre milliards d'euros au quatrième trimestre pour faire face au coût de restructuration ». L'annonce faite lundi matin lors d'un conseil d'entreprise n'en est pas moins un terrible coup de massue pour l'un des symboles de l'industrie et de l'économie allemande :
VW va en effet fermer trois usines, ce qui devrait logiquement entraîner le départ de dizaines de milliers de personnes, d'autant que la marque allemande envisage aussi de réduire les effectifs dans les usines qui ne mettront pas la clé sous le paillasson. Comment un tel bain de sang social est-il devenu nécessaire dans ce fleuron de l'industrie automobile européenne ?
L'un des maux de la marque Volkswagen est le retournement du marché sur les voitures électriques, notamment en Allemagne, pesant sur un volume de ventes inférieur aux attentes. Pour l'ensemble des marques du groupe, la baisse est de 10% au troisième trimestre de 2024 par rapport à la même période de 2023.
Le marché chinois, l'un des grands débouchés des marques allemandes, est en berne avec des ventes globales toutes motorisations confondues en baisse de 15% durant cette même période. Et dans cette mosaïque de marques, le producteur de la Golf est considéré comme le maillon faible.
Quelles sont les raisons invoquées pour justifier ce traitement de choc ? Les coûts de production sont trop élevés, ce qui n'est pas sans rappeler l'une des critiques adressées à Audi-Forest
« Nous ne sommes pas assez productifs sur les sites allemands et les coûts d'usine sont actuellement supérieurs de 25 à 50% à ce que nous avions prévu », a expliqué Daniela Cavallo, représentante syndicale et présidente du Comité d'entreprise ajoutant sur base des informations de la direction que les usines allemandes sont
« deux fois plus chères » que celles de la concurrence. C'est donc, tout d'abord, la fermeture de trois usines, dont probablement Osnabruck, qui n'a pas obtenu une commande de Porsche bien nécessaire à la maintenir en vie. Des dizaines de milliers de personnes seraient concernées sur les 120.000 membres du personnel travaillant pour la marque VW. Volkswagen veut
« saigner à blanc les sites industriels », a dénoncé Daniela Cavallo.
Des diminutions d'emplois pourront également intervenir dans les usines qui échapperont au couperet à partir du 30 juin 2025, date à laquelle le pacte sur la sécurité d'emploi dénoncé par la direction voilà quelques semaines arrivera à échéance. Le président du comité d'entreprise général de Volkswagen en Saxe, Uwe Kunstmann, a été clair à ce sujet :
« Aucun endroit n'est sûr pour le moment. Cela vaut également pour l'usine de voitures électriques de Zwickau, qui compte environ 10.000 employés. Mais même si l'entreprise continue d'exister, selon les plans, la production à Zwickau ne se fera désormais que sur une seule ligne de production au lieu de deux ».
Pour ceux qui resteront, leur salaire sera amputé de 10% et sera ensuite gelé en 2025 et 2026. Une prime sera également supprimée, ce qui réduirait de 18% le salaire des ouvriers des chaînes de production durant cette période. C'est dire l'ampleur des mesures d'économie à venir. Il reste maintenant à VW à annoncer officiellement les mesures envisagées et à parvenir à les appliquer.
La résistance s'annonce d'ores et déjà vive, que ce soit dans les usines mais aussi dans les organes de décision au sein desquels les représentants syndicaux ont un poids non négligeable. L'État régional de Basse-Saxe, où le groupe a son siège, donnera aussi de la voix, en tant qu'actionnaire.
« Les éventuelles erreurs de gestion ne doivent pas se faire au détriment des salariés », a de son côté déclaré un porte-parole du gouvernement de Bonn, pour qui la priorité est de préserver l'emploi. Tous vont tenter au cours des prochaines de trouver un terrain d'entente. Ce n'est pas gagné d'avance.
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