Comme l'on en est réduit, en notre siècle, où tout a été dit et où l'on prétend dire beaucoup encore, à fonder, pour paraître nouveau, des systèmes sur l'anéantissement de tout ce qui existe, et sur la création de tout ce qui ne peut exister, l'usage de la monnaie est proscrit en théorie, par quelques communistes.
Ils proposent de remplacer le métal par des bons d'échange imputés sur toutes sortes de marchandises, de denrées : ces bons serviraient aux transactions à distance ; l'Etat en serait le répartiteur, et ils seraient garantis par la production. Il y a là, de cette idée, fort difficile à saisir dans le détail de ses moyens d'application, un principe radicale de nivellement, et un actif élément de barbarie ; car elle conduit à la destruction de la plupart des industries d'intelligence ou de luxe.
Ce serait un autre genre de monnaie substitué au nôtre, et de monnaie d'un cours indécis, variable, d'une émission illimitée, d'une circulation compliquée et d'une diversité infinie. Il est probable que les abus d'une semblable fiction conduiraient une société à revenir à la création d'une monnaie d'un emploi général, et dont la valeur fût garantie par sa nature même. Telle est précisément notre monnaie actuelle.
Les systèmes de ce genre proviennent de la même source que les attaques à la propriété dont ils sont la conséquence. Tout le monde n'étant pas propriétaire, il paraît plus de décider à bien des rêveurs, que nul ne le sera, que de travailler honnêtement à le devenir. De même, comme chacun n'est pas capitaliste, il est des gens plus disposés à supprimer l'élément du capital, qu'à s'efforcer de le gagner par des moyens légitimes.
Ces doctrines antisociales rêvées par l'impuissance, la paresse ou l'envie, recrutent leurs partisans à la faveur des mauvaises passions, et ne sont, en résumé, que la logique de l'anarchie. Si la nation s'avisait de jeter le numéraire par les fenêtres, ceux qui applaudiraient le plus ne seraient pas les derniers à le ramasser (et toc ! ajout personnel)
Francis Wey, l'Illustration du 26 août (écrit dans l'effervescence révolutionnaire)
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